Patrick Kinigamazi : « la boxe, c’est la concentration et l’intensité »
Je défendrai mon titre de champion du monde WBF le 12 décembre 2019. La revanche se déroulera en Roumanie l’année prochaine.
Cela dépend de plusieurs choses. Un boxeur est classé en fonction de son palmarès, de l’argent qu’il peut générer avec ses combats et de la Fédération mondiale pour laquelle il boxe. Il y en a plusieurs : la WBA est la plus ancienne, la WBC brasse le plus d’argent, la WBO, l’IBF, l’IBO et la WBF, ma catégorie, où il y a environ 1’700 boxeurs. Par exemple, les boxeurs anglais amènent beaucoup d’argent grâce aux télévisions. Un Anglais ne fera ainsi jamais de championnat d’Europe, il ira directement au championnat du monde.
Oui et quand on génère de l’argent, c’est difficile de s’arrêter. Le médecin de Mohammed Ali lui avait conseillé d’arrêter la boxe car il avait des symptômes de la maladie de Parkinson, mais il a encore fait 3 ou 4 combats de trop.
C’est surtout un beau sport, on rencontre plein de gens de toutes catégories sociales avec qui on partage beaucoup : c’est un sport simple. Il y a des filles, des personnes âgées, des enfants, mais on est tous les mêmes devant le sac. Ce qui change, c’est la concentration et l’intensité.
Mon dernier combat, si je l’avais fait il y a 3 ans je l’aurais perdu. J’ai plus d’expérience, je suis plus sûr de moi. La différence, c’est la motivation. Dans la boxe il y a beaucoup de champions du monde qui ont 38 ou 40 ans et qui battent des jeunes de 28-29 ans. Moi, le lendemain d’un combat victorieux, je reprends l’entraînement. Depuis 20 ans, je ne me suis jamais arrêté plus d’une semaine. C’est dans la tête, il faut savoir se faire mal. Surtout dans les trois dernières semaines avant un combat. Pour la première fois de ma carrière, j’ai voulu revoir mon dernier combat dès le lendemain, parce qu’il m’avait fait mal, j’avais souffert. Je voulais comprendre pourquoi et j’ai appelé Léman Bleu pour avoir les vidéos.
Les clés de ma réussite, ce sont mes enfants, mon entraineur Giorgio Constantino, l’équipe qui m’entoure et le sérieux aux entraînements. J’ai également la chance d’avoir le soutien du Comptoir Immobilier et de mon ami Quentin Epiney qui me sponsorisent depuis 3 ans maintenant.
J’en ai tellement pris que j’aurais dû aller au tapis au moins 4 fois. Le seul moment où j’étais content, c’est au 9e round, quand je descends mon adversaire. Au 10e round j’entendais : « achève-le, achève-le », mais moi je me suis dit : s’il ne vient pas me voir, eh bien qu’il reste où il est. Je suis très heureux d’avoir gagné. Ce n’est pas tellement physiquement que j’ai souffert, je n’ai même pas eu de courbatures. Mais je n’ai jamais été concentré à ce point. Un moment je me suis relâché et paf, j’en ai pris un.
Non c’est plus moi qui ai peur qu’ils me voient prendre un coup. Ça me ferait encore plus mal. Une fois mon fils a sauvé mon combat. J’avais pris un coup, j’allais tomber et j’ai entendu « allez papa ». Et je me suis dit : non, je ne peux pas tomber ko devant mon fils ! Cela l’avait choqué. Maintenant ça va mieux, ils sont habitués.
La boxe est un sport très contrôlé, mais les accidents peuvent arriver vite comme dans n’importe quel autre sport. Parfois on n’arrête pas un combat à temps et cela peut laisser des séquelles à un boxeur.
Ce n’est pas ça. J’ai par exemple arrêté le full-contact parce que je n’avais plus rien à prouver.
J’ai commencé en 2000 en full-contact et la boxe anglaise en amateur en 2003.
A la base je faisais du full-contact et mon entraîneur m’a envoyé faire de la boxe pour m’améliorer dans cette discipline. On m’a proposé quelques petits combats amateurs, j’ai accepté, j’ai été sacré deux fois champion romand. Je faisais également de moins en moins de combats de full-contact parce qu’ils coûtaient de plus en plus cher. Un jour, le club de Carouge a eu besoin d’un boxeur professionnel pour un combat, et on m’a proposé de passer pro. J’ai commencé comme ça, en 2006. J’ai fait 3 combats cette année-là, puis 5 en 2007. Mais les débuts sont difficiles : sur mes 32 combats, il y en a au moins 12 ou 13 où je n’ai pas été payé. C’est dur, quand on est jeune, de prendre des coups sans être payé.
Mon grand frère avait commencé la boxe mais moi, mon sport préféré, c’était le basket, et après le foot. Je faisais du full-contact et du basket en même temps. Au full-contact on était une trentaine de potes, on faisait tout ensemble, on rigolait bien, on voyageait. Nos séances de stretching duraient une heure et demie, mais on étirait davantage les discussions qu’autre chose. J’ai continué comme ça jusqu’à mon deuxième championnat d’Europe. Maintenant je ne joue plus au basket, j’ai peur de me blesser. Je regarde les matches de NBA. Je suis intouchable sur le basket, mais pas sur la boxe…
J’ai envie que des jeunes prennent la relève. Il y a de bons boxeurs en Suisse. Ils ont besoin d’aide au départ, de petites sommes, CHF 1’500 ou 2’000. Il leur faut aussi un projet et de la volonté.
Oui, d’ailleurs c’est un de mes objectifs car la nouvelle génération de boxeurs a du potentiel.
Après un championnat romand de boxe anglaise amateur en Valais, on a du accélérer sur l’autoroute pour que je puisse arriver à temps pour un combat en Full-contact à Genève, à la salle du BoutDuMonde. J’ai eu juste eu le temps de me changer et monter sur le ring.
L’année prochaine, cela fera 20 ans que je suis dans les sports de combat et je compte arrêter fin 2020. Je continuerai à soutenir et promouvoir la boxe et la future génération helvétique de boxeurs.